Sélection Comics – The Maxx
La sortie en français de The Maxx, saga signée Sam Kieth, offre l’occasion de (re)découvrir dans les meilleures conditions l’un des comics indés les plus originaux des années 90. Ce mélange inclassable de fantasy super-héroïque et de chronique sociale sombre aux accents psy en avait cueilli plus d’un, alors. Restauré via des scans HD qui rendent justice au style percutant de Keith, The Maxx confirme que ses griffes ne sont pas émoussées.
Pas facile de résumer l’histoire de The Maxx, série imaginée en 1993 par Sam Kieth et qui sera publiée jusqu’en 1998 par Image Comics. Julie Winters, une assistante sociale, suit le dossier d’un SDF nommé Maxx. Dans une réalité alternative, nommée l’Outback, terre sauvage primitive peuplée de créatures fantastiques mythiques, elle est la Reine Léopard, et Maxx, colosse violet aux ratiches en éventail et aux impressionnantes griffes jaunes, y campe son loyal protecteur.
Le récit alterne entre les deux univers dans une narration volontairement décousue et parfois abrupte qui se plaît de brouiller les frontières entre rêve et réalité, ou plutôt entre monde des rêves et cauchemar éveillé. Car dans le New York « spawnien », craspec et inquiétant, où évolue et travaille Julie, la vie est loin d’être rose. Elle doit notamment composer avec l’affreux M. Gone, un dangereux pervers qui fait une fixette sur elle.
Avec les couleurs flashy de son héros-titre, The Maxx a pu faire l’objet lors de sa parution et plus encore, lors de son adaptation en cartoon sur MTV en 1995, de malentendus. Sous des airs d’histoire de superhéros bondissant pour ados, cette série au ton très adulte, figurant des personnages féminins forts mais pas ménagés par l’intrigue, pourrait presque aujourd’hui être précédée d’un trigger warning. À sa manière, en l’abordant frontalement par la face psy ou bien en empruntant les chemins plus détournés d’un symbolisme cathartique, elle met les violences sexuelles au cœur de son propos, en laissant la parole aux victimes et aux proches des agresseurs.
Associé au scénario à William Messner-Loeb, Kieth s’en remet davantage au dessin qu’aux mots, notamment via un Outback où son imaginaire débridé se déploie dans toute sa générosité. Quand il se lance dans The Maxx, l’artiste a déjà tâté de l’onirisme et pas qu’un peu : c’est à lui, même si l’on l’a un peu oublié à force de rendre hommage aux couvertures de Dave McKean, que l’on doit le crayonné des 5 premiers numéros de Sandman. Les proportions sont plus exagérées ici, la musculature de Maxx renvoie davantage à son travail sur Wolverine chez Marvel, mais Kieth n’en reste pas moins le gars qui posa les bases visuelles du chef d’œuvre de Neil Gaiman et cela se sent : The Maxx multiplie les trouvailles graphiques au service d’un récit dur mais sensible, capable de délivrer dans ses twists des uppercuts d’une puissance dévastatrice.
Les Français de Réflexions ont mille fois de raison de sortir une intégrale restaurée de la série en 7 volumes, qui profite de scans HD qui mettent enfin en lumière l’un des justiciers les plus injustement oubliés des comics US.
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The Maxx.
Par Sam Kieth et William Messner-Loeb.
Réflexions, 4 tomes parus sur 7, 16,50 € le volume.
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