La Ville



Nicolas Presl est un maître de la bande dessinée muette, on l’avait déjà constaté dans La Jungle, Les Jardins de Babylone, Orientalisme, Levants ou L’Hydrie. Il revient avec ce qui est peut-être son livre le plus maîtrisé, tout en puissance retenue et force d’évocation : La Ville, ou la métaphore d’une planète qui se consume entre le capitalisme égoïste et sa consommation aveugle et effrénée, et la violence comme ultime recours des populations pauvres rejetées.
Pour cela, il emprunte aux registres du fantastique et de l’anticipation. On suit un couple en vacances dans une cité moderne et clinquante du Moyen-Orient, qui profite du luxe de l’endroit, avec balade en bateau, virée en discothèque et villa moderne instagramable. C’est alors qu’apparaissent les premiers cadavres, squelettes parcellaires rejetés par la mer. Puis, les cadavres sont bien debout, zombies armés jusqu’aux dents qui leur restent, venus de l’autre côté de la frontière pour semer la terreur et vider les poches des riches…
C’est un peu La Nuit des morts-vivants à Dubaï que joue là Nicolas Presl, avec son trait expressionniste limpide à l’encre, où les corps se déforment, soit par l’horreur vécue, soit par la noirceur de leurs sentiments. Derrière cette invasion zombie, c’est bien la révolte des populations exploitées dans le monde entier, pour satisfaire les caprices de la classe dominante, qui est ici imaginée, dans des planches sidérantes d’angoisse et de violence crue. Et le toute sans un seul mot ni pictogramme : pas la peine, tout est immédiatement évident dans la narration de l’auteur, sans jamais qu’il sacrifie à la facilité. À la fois horrifique et éminemment politique, La Ville glace le sang et assène un choc terrible à son lecteur, par sa mise en scène puissante et son contenu terrifiant.
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